Battre l’oubli – Bruit originaire (Acte IV)

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Battre l’oubli – Bruit originaire (Acte IV)

Charlotte Pringuey Cessac
Battre l’oubli – Bruit originaire (Acte IV)
Du 27 avril au 15 juin 2024
Vernissage le vendredi 26 avril à 18h
À la galerie eva vautier
2 rue Vernier
06000 NICE

COMMUNIQUÉ DE PRESSE | EXPOSITIONdossier de presse

La galerie Eva Vautier a le plaisir de présenter l’exposition Battre l’oubli – Bruit originaire (Acte IV) de Charlotte Pringuey Cessac. Après deux expositions en 2019 – au MAMAC et au musée Terra Amata présentant les trois premiers volets – Charlotte Pringuey Cessac revient avec un quatrième volet du projet Bruit originaire. Cette exposition conjugue intime et universel. Pour cette nouvelle invitation au voyage dans le temps, l’artiste mêle histoire d’amour, histoire de l’art et Préhistoire.

Battre l’oubli
La résistance de l’intime

Battre l’oubli,
Crever l’angoisse,
A corps perdu,
Jamais te contenir,
Décevoir et tenir
sont autant de devises qui me permettent de résister. Face à la Contrainte s’entremêlent introspection, pas de côté et autodérision.

L’atelier est cet espace où l’impossible laisse place au fantasme et où la matière est reine. Un espace retranché du monde d’où je peux l’observer et Embrasser la solitude pour mieux me questionner : Comment aborder une nouvelle forme si ce n’est en l’embrassant ? en la saisissant A bras le corps ? en la façonnant Du bout des doigts ? en l’Eprouvant corps et âme ?
Ma relation à la forme est intrinsèquement liée à la sensualité du corps et de l’esprit. Le support est une peau que je caresse, que j’empreinte, que je modèle, que j’inscris pour mieux me souvenir de mes Combats en marge, désespérés mais salvateurs, donc vivants.
Cette peau-paroi, peau-papier, peau-tissu est un espace concret dans lequel je projette mes souvenirs, mes désirs, jamais mes espoirs. Et comme une rengaine, un refrain, je projette encore et encore, j’use de motifs pour donner une forme à regarder, à éprouver.
L’épreuve de ma première performance revêt les couleurs de la préhistoire traversant un étrange paysage de stalactites (1) (2) (3). Charbon de bois et ocres révèlent un récit de la marche résistante et amoureuse. Jouissance de la matière et de l’esprit, les histoires d’amour finissent souvent au fond d’un mouchoir. Carré de tissu puis de papier, cet objet hygiénique devient le support absorbant de nos tiraillements – MEA CULPA -. La méprise, la souffrance et la culpabilité sont contrebalancées ici par un cynisme baveux. Les mouchoirs de papier s’accumulent et remplissent un mur à l’instar des ex-voto de pierre (4) en souvenir des êtres chers. Les inscriptions se suivent, elles se déclinent d’un mouchoir à un essuie et ne se ressemblent guère. De la culpabilité à la résistance, il n’y a qu’un pas. Ce pas est proclamé par la forme des essuies-étendards, bannières de papier qui scandent mes devises salvatrices.
« Aimer, c’est aimer un être au-delà de ce qu’il parait être » (5). Créer, serait-ce créer une forme au-delà de nos intentions ?

  1. Henry DE LUMLEY, Terra Amata, Nice, Alpes-Maritimes, France, CNRS Editions, 2009
  2. Mircea ELIADE, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Paris, Payot, 1974
  3. Jean CLOTTES et David LEWIS-WILLIAMS, Les chamanes de la Préhistoire, Paris, Points, 2015
  4. G. DIDI HUBERMANN, Fra Angelico : Dissemblance et figuration, Paris, Flammarion, 1995 ; Daniel ARASSE, L’Annonciation italienne : une histoire de perspective, Paris, Hazan, 1999
  5. J. LACAN, citation

Battre l’oubli
Résistance de l’intime
Acte IV du projet Bruit originaire

Il est des œuvres à peine murmurées qui traversent le temps comme un souffle que rien ne retient. D’elles, on ne se souviendra que de la cendre des mots, que d’une lacération furtive dans un ciel vide ou un vague parfum d’herbe séchée que l’on caresse du bout des yeux de peur de l’éteindre. « Battre l’oubli » et ses battements de cœur, inscrire ceux-ci dans la fragilité des jours, tel est ce récit tout en nuances et délicatesse que diffuse l’œuvre de Charlotte Pringuey Cessac. L’autobiographie trop souvent souffre du poids des mots dans le miroir de sa vanité ou de ses peines. Alors mieux vaut recueillir avec recueillement l’invisible des larmes, la trace d’un signe et la qualité d’un silence plutôt que l’indice d’un moment.
C’est bien dans cet effleurement que réside la grâce de ces objets diffus, papiers dans une pâte végétale et des mots à peine imprimés ou bien des mouchoirs de grès ou de porcelaine et encore des tissus comme mémoire de la trace. L’artiste se greffe à la pulsation des jours, à la rosée des larmes et à l’oubli aussi léger que la chute des feuilles. Il lui faut alors revenir à la source, retrouver au seuil même de la préhistoire les indices d’un témoignage, l’ocre des murs, l’hypothèse d’une image et certainement l’écho d’un bruit originaire. Charlotte Pringuey Cessac restitue les poussières de celui-ci pour les traduire en objets émouvants et les charger d’un langage plastique que nous interprétons au gré des indices qu’elle répand. Les objets sont légers et implorent le toucher dans la trace de la sensualité d’où ils émergent. L’émotion est ici une matière qui se lie à l’éphémère, à l’éloignement et à l’oubli. Alors autant s’y laisser entraîner, s’envoler sur des chemins improbables et vivre en glanant ci et là les débris du cœur.
Dans ce terrain de vague à l’âme, sentiments, objets et idées se confondent dans des brides d’écriture et de plis que le vent emporte. Quelques fragments d’épaves, des morceaux de rien et de douceur et l’art est ce petit soleil qui perce la brume.

Michel Gathier,
Critique d’art
2024