2018 Infra – Voyons Voir
Infra, archéologie du corps ou comment les gestes bâtissent
En collaboration avec le musée Terra Amata à Nice, Charlotte Pringuey-Cessac propose, à l’occasion de sa résidence Voyons Voir, une installation in situ réalisée dans le parc du centre d’art de Châteauvert. INFRA compose un véritable parcours géographique, géométrique et gestuel, conçues à partir de pièces préhistoriques moulées en béton noir : outils taillés en pierre et Vénus.
Entre les mains de Charlotte Pringuey-Cessac, le temps n’existe plus vraiment. Elle l’évince d’un geste et le recrée d’un autre. Un jeu qu’elle reproduit continuellement dans ses œuvres qui ne cessent de questionner la mémoire et la trace. Charlotte est, en quelque sorte, une âme d’archéologue dans le corps d’une artiste. Sa réflexion et son geste se rejoignent dans la précision mais aussi dans le plaisir de l’inattendu. L’inattendu, comme ce jour dans la grotte de Chauvet, où une découverte l’a profondément marquée : des gestes humains saisis dans la glaise, vieux de plus de 35 000 ans, semblent avoir été réalisés dans l’instant. L’humidité ambiante du site, conservant la terre fraîche, efface ainsi toute notion de temporalité.
L’œuvre INFRA est l’aboutissement d’un long travail de réflexion à propos de l’empreinte que laisse le corps dans toutes matières. Qu’il y soit façonné ou qu’il façonne, maîtrisé ou spontané, il est toujours perceptible. On le retrouve aussi bien dans la technique artisanale, dans la recherche artistique ou tout simplement dans notre quotidien. Charlotte Pringuey-Cessac nous renvoie donc à cette idée duchampienne de l’inframince, représentant un intervalle durant lequel nous passons d’un état à un autre. La chaise, sur laquelle nous étions assis il y a quelques minutes, est encore chaude, parfois légèrement creusée par la simple présence d’un autre corps. L’inframince symbolise une présence fantôme, un instant terminé mais encore perceptible.
Cette notion de l’inframince, l’artiste la transpose dans la pièce INFRA qui a pour référence les premières architectures funéraires : les dolmens (apparues il y a 5 000 ans). Ces tombes en pierres sèches et/ou en dalles, formées d’une ou plusieurs chambres, ont une architecture très élaborée ayant pour fonction de protéger au mieux les défunts de la pluie et des carnassiers. On retrouve sur les murs de la sépulture des ornements de figures abstraites, formes géométriques, symboles de fécondité (les vénus) ou symboles phalliques protecteurs (bifaces, choppers, chopping tools et nucléi).
Dans INFRA, chaque étape est réfléchie comme un geste indépendant et prenant part à l’ensemble de la pièce (Terre creusée puis aplanie ; travail au cordeau ; sable tassé ; construction de coffrages en bois, …). Les 250 dalles différentes, moulées en béton noir dans des coffrages en bois, viennent former le sol circulaire d’une construction disparue. En son centre, un simple point, métaphore d’un nombril du monde, là où tout s’achève et où tout commence.
Laura Giordanengo, 2019