PROJET NOMADE METAXU

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PROJET NOMADE METAXU, 2021

Exposition PROJET NOMADE Metaxu, photos ©Virginie Sanna


Itinéraire d’une errance

[voix 1] Il y a l’errance que l’on apprécie. Celle du voyage physique et spirituel. Errer sans objectifs, se perdre, se retrouver. Partir avec le minimum d’organisation. Accueillir l’imprévu. [voix 2] Il y a l’errance que l’on redoute. Celle médicale ou psychologique, qui nous laisse sur un sentiment trouble : celui de ne pas savoir. [voix 3] De ne plus savoir. [voix 1] On en fait l’éloge depuis quelques années, même si parfois elle reste ancrée à un aspect négatif dans l’existence. Pourtant, beaucoup de nos activités sont une forme d’errance, qu’on le veuille ou non. [voix 2] Flâner dans les rayons sans avoir pour intention l’achat. [voix 3] Traîner dans les rues sans cibler un lieu. [voix 2] Divaguer dans une conversation qui ne mènera nulle part. [voix 3] Déambuler dans une exposition sans recherche du plaisir ou de l’esthétique. [voix 1] L’errance est une surprise. Vous ne pouvez pas prédire ce qu’elle va vous offrir. [voix 2] Elle peut donner lieu à quelque chose là où l’on n’espérait rien, [voix 3] et à rien là où on en espérait le plus. [voix 1] Choisir l’errance, c’est choisir sa forme et non son contenu. Un moyen de transport, un conducteur, un passager, une œuvre. Déplacer les limites du lieu artistique. [voix 2] Rencontrer l’art partout. [voix 3] L’amener n’importe où. [voix 1] Ce qui en naîtra n’est que suppositions. L’errance est cet instant présent éternel. [voix 2] Et si on la marie à l’itinéraire, [voix 3] elle donnera naissance à l’itinérance. [voix 2 et 3] Union symbolique du certain et de l’incertain. [voix 1] Alors, est-il encore juste après cette association, de définir l’itinérance comme le fait de suivre un itinéraire ? Elle n’est plus que cette idée vague de déplacement vers un ailleurs, incertaine de réellement vouloir poursuivre quelque chose.

[voix 2] Se tromper sur le chemin, faire demi-tour puis finir par emprunter une autre route. [voix 3] Tomber sur des culs de sac ou des carrefours. [voix 2]Croiser des gens. [voix 3] Les accueillir dans ces quelques mètres carrés de vie mobile. [voix 2] Partager des kilomètres, des histoires et des silences. [voix 3] Mêler les paysages de nos existences à ceux que l’on rencontre sur le trajet. [voix 1] Puis ces personnes descendent ici et là, claquant cette portière pour la énième fois sur notre chemin. Par la vitre, un signe bref de la main accompagnée d’un sourire qui disparaissent déjà derrière nous. Mais quelque chose reste. [voix 2] Un parfum, [voix 3] un creux dans le siège, [voix 2] la terre sur le tapis, [voix 3] un extrait de vie dans la boîte à gant…[voix 1] comme des offrandes éphémères pour les futurs compagnons de route. Des visions qui se croisent et des récits qui se partagent tels des mythes. [voix 2 et 3] Des empreintes d’âmes. [voix 1] Si nous étions dans un récit d’Edgard Allan Poe, le personnage d’Agathos répéterait cette pensée à l’Oinos que nous sommes : [voix 2] « il n’est pas une seule action qui n’ait un résultat infini. En agitant nos mains, quand nous étions habitants de cette terre, nous causions une vibration dans l’atmosphère ambiante. » [voix 1] Et nous de demander : [voix 3] « Donc, tout mouvement, de quelque nature qu’il soit, est créateur ? » [voix 1] tout en essayant d’éprouver le moindre geste imprimé dans l’air. [voix 2 et 3] Les œuvres que sont nos vies sont en perpétuel devenir.

[voix 1] On se retrouve à nouveau seul à fixer la route en évitant les rétroviseurs, probablement par mélancolie. La radio vient combler le vide des pensées. Un vide qui pourtant nous emplie. La contemplation reprend son cours. Le voyage avec nous-même est doux. [voix 2] Nous n’avons plus aucune attente, [voix 3] aucune déception. [voix 1] Si le chemin ne mène nulle part, nous le rebroussons sans rancœur ni colère envers nos choix. [voix 2] L’errance est un droit à l’erreur. [voix 3] Un droit au pardon envers soi. [voix 2 et 3] Un apprentissage pour nous et autrui. [voix 1] Plus rien n’est une fatalité. Même l’accident. Parfois, errer résonne comme un luxe que peu d’entre nous peuvent s’octroyer. La divagation serait réservée aux personnes sans devoirs quand elle est, en réalité, l’abandon de ces derniers pour une plus grande responsabilité: [voix 1,2,3] celle de la liberté.

Laura Giordanengo

Dossier de presse